« Bouge de la cible Sienna. »
Cela m'exaspérait de voir avec quelle insouciance ces jeunes prenaient en compte ce que je tentais de leur inculquer. Il est loin le temps où les jeunes ne pensaient qu'à s'améliorer et qu'à se battre. Après ma victoire aux jeux, je n'ai pas tout de suite retravaillé. Le peuple du Capitole me vénérait et comme une bonne petite j'ai souvent participé à leurs exhibitions. Mais j'ai décidé par la suite de former les jeunes qu'ils le souhaitent au maniement des armes blanches, un domaine trop peu exploité par les futurs candidats des jeux. Je les aide à progresser et à pouvoir penser à une potentielle inscription aux jeux. Certains ont peur, certains ne le montrent pas. Personnellement, je ne les entraîne pas seulement dans l'optique des jeux. Je ne les pousse pas à participer car forte de mon expérience, je ne pourrais jamais les obliger à faire une chose pareille. Les choses que l'on voit, que l'on fait dans les jeux, il faut être fort pour les affronter et je pense que tous ces jeunes ne se rendent pas compte de l'ampleur du phénomène. Je les entends parfois dire que les jeux ne sont pas si horribles que ça si l'on sait un minimum se défendre. Des ignorants, voilà ce qu'ils sont. « Un conseil, enlève toi toute de suite de là où c'est moi qui lance le couteau. » La jeune femme perdit immédiatement son sourire et se calma instantanément. « J'aime mieux ça, » souriais-je.

« Bon pour être polie, il faudrait vous bouger les fesses ! C'est pas moi qui prendra votre place dans les jeux, je vous le dis ! Si vous continuez comme ça, votre défense ne tiendra même pas une heure là bas. Alors réveillez vous ! Maintenant, combat au corps à corps. Je veux une fille, un garçon. Commencez avec les prises apprises à la dernière leçon. » A ces mots, satisfaite de ma tirade, je décidai d'aller m'installer tranquillement sur le muret d'en face pour mieux voir l'ensemble du groupe. Je ne pus m'empêcher de remarquer que l'amélioration était grande depuis la dernière leçon. Les garçons maîtrisaient autant que les filles. Cependant, je remarquais une de mes élèves en grande difficulté. Sienna, encore elle. Soupirant, je m'approchais d'elle et de son partenaire qui avait visiblement largement le dessus sur elle. « Ce n'est pas comme ça que je t'ai appris. Regarde bien. » Sans prévenir, j'attrapais furtivement son partenaire et le mit à terre d'un ashiguruma bien maitrisé. « Ton pied, bon sang c'est pas difficile ! Positionne bien ton pied et tout ira bien. » Je la regardais durement. Je n'avais pas envie d'être gentille avec elle. Elle se fichait de tout et j'ai souvent eu une furieuse envie de la virer. Mais je n'étais pas aussi odieuse, alors tranquillement je me rasseyais sur le muret, cherchant dans le fin fond de mon sac quelque chose à boire tandis que les élèves continuaient à s'entraîner.

J'en avais assez de toutes ces choses à réglé depuis que j'avais gagné les Jeux. Toujours devoir aller d'un district à l'autre, rencontrer des gens que je ne voulais pas connaitre, parfois même devoir mettre un pied au Capitole. Et ça, c'est sûrement ce qui me faisait le plus chier : retourner à la source des massacres annuels auxquels j'ai participé il y a deux ans. A chaque fois, on prétendait que ma présence était vraiment nécessaire car après tout, j'étais le dernier vainqueur des Jeux. Le dernier qui y avait réellement survécu. J'avais d'ailleurs rencontré Sandro, avant les Jeux. Pas longtemps, certes. Mais elle m'avait félicité pour avoir pris la place de Damis. Bizarrement, ça a fait son petit effet. Quoi qu'il en soit, j'étais éberlué en voyant ce qu'elle faisait durant les Jeux. Et en voyant que l'un de mes tributs l'avait suivit, alors que je lui avait déconseillé de faire des alliances : on finissait toujours par en payer le prix si l'autre mourrait. Je savais de quoi je parlais.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, c'était au District Trois que j'avais été convié. Mon train, en provenance du Capitole, était venu me prendre beaucoup trop tôt à mon goût. Je n'avais qu'un District à passer avant de pouvoir poser un pied sur le territoire des as de la technologie et de l'électronique. On m'avait réservé un wagon tout entier, pour moi et mon styliste. Allez savoir pourquoi on m'affublait de cette personne alors que je ne faisais plus partie des Jeux à proprement parler. Moi, tout ce que je voulais, c'était qu'on me foute la paix. Ça n'était pas gagné. A vrai dire, je ne me souvenais même plus du pourquoi du comment je devais me trouver ici. Quoi qu'il en soit, une fois ma tâche finie -soit rester sans rien dire dans le coin d'une pièce en hochant la tête par moment- je décidai de ne pas rentrer tout de suite : après tout, j'avais prévenu Maila et Salem de mon absence, et ça n'était pas comme si Senja et moi nous nous voyons chaque jour, comme avant mon départ pour l'arène. Par conséquent, je fis un détour par l'espace d'entrainement où j'étais quasiment certain de trouver Reena, ancienne gagnante elle aussi. Bingo. Comme prévu, elle était entrain de s'occuper de ses élèves. Elle aussi, elle entrainait. A la différence que moi, c'était juste pour assurer un minimum de connaissance de survie à mes frères et sœurs.

Adossé au muret, je regardais Reena faire. Elle s'était levée au moment où j'arrivais, à pas de loup, pour aller vers l'une de ses élèves qui, je l'avais moi-même remarqué, ne savait pas se tenir en équilibre sur ses pieds. Ce n'est pas comme ça que je t'ai appris. Regarde bien. J'haussai les sourcils en voyant comment la jolie trentenaire avait jeter contre le sol le jeune homme. Elle avait une véritable maitrise des combats rapprochés, ça n'était donc pas étonnant de savoir qu'elle avait gagné, elle aussi, une des éditions des Jeux. La jeune fille à qui elle faisait la leçon adressa un bref regard dans ma direction comme si elle m'avait reconnu. Un regard auquel je répondis par un signe de tête approbateur, signifiant que Reena savait ce qu'elle faisait. Ton pied, bon sang c'est pas difficile ! Positionne bien ton pied et tout ira bien. La gamine hocha à son tour la tête dans la direction de son professeur et reprit l'exercice où elle s'était arrêté. Elle semblait ne pas s'être intéressé le moins du monde à ce que lui avait raconté Pilsworth car elle recommença à faire les mêmes erreurs. Je ne pus m'empêcher de lâcher un rire tandis que j'observais Reena se rapprocher de moi. Elle ne semblait pourtant pas m'avoir vu et se rassied au même endroit, sur le muret, cherchant quelque chose dans son sac. Je souris de toutes mes dents, m'approchant aussi lentement et silencieusement d'elle qu'à mon arrivée, et je finis par mettre devant son visage la bouteille d'eau que je lui avais dérobé lorsqu'elle s'était levée. C'est ça que tu cherches? Reena leva la tête et pris la bouteille. C'est aussi parce que je suis un bon voleur que j'ai survécu aux Jeux, tu sais? De nouveau, j'affichai un sourire victorieux avant de retourner mon regard vers les élèves. Elle semble pas motiver la jeunette, là. Tu devrais me laisser m'en charger. dis-je avec un clin d’œil.